[*] Soirée près d'un rocher...

Il était peut-être très profond -insondable à l'oeil en tout cas. Ses bords étaient frangés de joncs si touffus que leur reflet était ombreux comme l'ombre des eaux profondes. Cependant, au milieu, il y avait quelque chose de blanc. La grande ferme, à un mile de là, était à vendre et une personne zélée -ou un gamin farceur- avait collé l'une des affiches annonçant la vente, chevaux de trait, outils agricoles et génisses compris, sur une souche auprès de l'étang. Le centre des eaux reflétait le placard blanc et, lorsque le vent soufflait, la mer semblait couler et ondoyer comme ligne qu'on rince. On retrouvait dans l'eau les grandes lettres rouges qui formaient ROMFORD MILL. Il y avait une touche de rouge dans le vert océan qui ondoyait jusqu'aux rives.

Le pied de Carol-Ann Fisher fit trembler ce rassemblement de points rouges et tout se dissipa. Elle était seule désormais, assise sur son rocher, l'air rêveur et un maigre sourire aux lèvres. Elle ne se sentait pas bien, il est vrai que depuis quelques jours la vie avait changé de cours à Laguna Beach. Les choses n'étaient plus les mêmes et les esprits étaient plus rebels. L'esprit de compétition soudoyait les minces efforts que certains tentaient de faire pour ne pas qu'une nouvelle guerre civile éclate... Des regroupes de jeunes, ça pose souvent de graves problèmes. Mais Laguna Beach est un petit tas de terre posée au milieu de la Californie et où il est bon d'y être en hiver. Il fait beau toute l'année et le paysage y est magnifique. On a beau se dire qu'il y a mieux ailleurs, pour ces jeunes américains le rêve est à porté de leur main. Mais ce n'est pas sans compter les parents, que seraient-ils sans eux ? C'est bien grâce à eux, non, qu'ils ont cette vie aisée et sans problèmes financiers ? Carol-Ann venait, certes, d'une de ses familles là mais jamais ça ne l'avait monté à la tête. Bon bien sûr, qu'elle fut contente lorsqu'elle reçut -pour un quelconque événement- un Ipod ou aussi un autre portable, le dernier cri, alors que son précédent datait d'il y a un mois. Oui c'est sur que ça fait plaisir mais cela devient une habitude et cette jeunesse dorée s'en fiche...

Carol-Ann avait le regard dirigé vers la mer, ne s'occupant pas des gens qui marchaient sur la plage en léger contre-bas. Le soleil se couchait peu à peu, et le spectacle était magnifique. L'air était un peu frais mais pas de quoi se vêtir d'un pull, et il ne soufflait pas assez fort pour tomber malade. La jeune lycéenne portait une simple robe d'été beige avec des motifs roses pâles et tenait dans sa main droite une paire de sandales Minelli. Ses cheveux se baladaient sur ses épaules nues ce qui, à cause du vent, allaient s'emmêler. Mais Carol-Ann s'en fichait. Ce n'était qu'un petit détail inutile et il lui fallait juste passer sous la douche, se coiffer et il n'y avait plus de noeud. Car pour l'instant, elle voulait rester ici. Pourtant ce n'était pas dans ses habitudes de rester seule, non, en règle générale elle aimait passer du temps avec ses ami(e)s et un soir comme celui-là elle le passait à faire la fête...

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